Un psy diplômé, pourquoi ?

Qu’il s’agisse de la psychanalyse ou de la médecine, celui qui souffre et confie son corps ou son esprit au soignant, accorde aussi sa confiance et un certain pouvoir, une autorité. Dans le cas de la psychologie, il n’est pas toujours facile de choisir un praticien.

Le titre universitaire revêt plusieurs aspects qu’il n’est pas simple de comprendre… Revendiquer une approche humaniste ne fait pas une compétence, la compétence n’est pas le savoir. Le savoir n’est pas l’intelligence. L’intelligence n’est pas l’empathie… Alors, à quoi sert un diplôme ?

Combien de médecins sont sensibles à la dimension psychologique de leur position ? Sont-ils formés à psychothérapie ? Aux méthodes pouvant faciliter l’annonce d’une grave maladie ou d’une situation dépassant leur compétence, à la notion d’incertitude en certains domaines ? Les médecins n’ont aucune formation en psychologie clinique.

 Premier point : le savoir

Le diplôme n’est qu’une partie de la formation du soignant. Sans la mémorisation du savoir qu’il implique, il n’est pas possible d’exercer un métier de ce type. Mais de quel savoir parle-t-on ? Celui des pairs, ceux qui auront stabilisé les connaissances afin de les transmettre, appuyées sur une épistémologie solide et un empirisme débattu et argumenté.

Le savoir peut parfois se transmettre autrement qu’à travers l’Université ou les écoles d’État. Il est aussi possible d’acquérir ces connaissances grâce à la transmission orale, à l’étude personnelle ou au parcours de vie. Mais qui pourrait de nos jours confier une opération chirurgicale à une personne ne possédant pas un diplôme de médecine ? Il en va de même pour la psychologie clinique et les méthodes psychothérapiques. Dans ce domaine, la France ne simplifie pas l’accès à la compréhension de ce qu’implique ce titre protégé de Psychologue clinicien. Ce flou ne simplifie pas non-plus les prises en charge et entrouvre la porte de prestataires  jouant ainsi sur le terme « psy » ou « pratiquant la psychologie xxxx« , « Psychothérapie analytique« , « Psychopraticien… » (en prenant soin de ne pas dire PsyCHOLOGUE)… On y ajoute souvent diverses approches d’écoles privées, PNL, Hypnose, Approche Jungienne… tout cela sans aucune cohérence référentielle ni formation universitaire, laquelle est effectivement ardue (d’où la présence d’écoles privées qui ne donnent pas droit au titre de psychologue).

Or il n’existe qu’un seul titre, celui de Psychologue, auquel on aura ajouté « Clinicien », praticien pourvu d’un numéro ADELI délivré par l’Agence Régionale de Santé (que vous pouvez réclamer lors de votre première visite).

Pourquoi le cursus de psychologue est-il si important ?

S’il implique une masse de savoir sur un minimum de 5 années dans le cadre d’un Master 2  (Neuro, génétique, psychologie du travail, psychologie dans le champ social, épistémologie, phénoménologie, psychanalyse…), il implique aussi une expérience de terrain OBLIGATOIRE en institution (Hôpitaux, Centre medico-psychologique…). Cette expérience est non seulement passionnante, mais formatrice quant à la prise en charge de la psychopathologie dans le cadre institutionnel, et elle apprend au professionnel à s’inscrire dans un parcours de santé au milieu des autres professionnels de santé, et c’est indispensable, tant d’un point de vue thérapeutique, déontologique, que social ou judiciaire.

Second point : l’expérience de la prise en charge en institution

La formation universitaire est composée de stages en institutions hospitalières sur plus de 850 heures en équipes encadrées par des tuteurs et des référents médecins. Ce parcours est non seulement formateur et riche en expériences, mais il impose au futur psychologue, une capacité à dialoguer avec les médecins dans le cadre de prises en charge pluridisciplinaires, à en comprendre aussi les mécanismes gestionnaires et industriels, éthiques et moraux. En France, les services médicaux publics sont, à de rares exceptions près, dirigés par des chefs de service médecins…

Mais qu’en est-il de la psychanalyse ?

Historiquement, la psychanalyse fut transmise à travers un enseignement distinct de la médecine, ou en complément. Or elle fut (et reste encore) la seule approche pouvant proposer une représentation de l’être humain en tant que Sujet, de la personne, dans son ensemble psychique et somatique : « Il nous a fallu bien peu de temps pour nous apercevoir que nous étions maladroits dans le maniement des rapports humains et que nous semions ainsi autour de nous beaucoup de malheur. C’est pourquoi je cherchais depuis longtemps quelqu’un en possession de techniques psychologiques adaptées à ma demande. […] Je voulais tout d’abord savoir comment se construisait et se transformait l’image de la maladie dans l’esprit des mères et des pères de famille et dans celui de mes jeunes malades eux-mêmes au cours d’une affection chronique à évolution à peu près certainement ou certainement mortelle. » Le psychiatre J. Lacan, « La place de la psychanalyse dans la médecine », discours au Collège de médecine en 1966.

Ce fut alors une volonté éthique et déontologique (voire politique) que de définir la spécificité de la psychanalyse ainsi que la position particulière du psychanalyste, qui, par de nombreux aspects, se distingue de celle du médecin. Si le passage par sa propre psychanalyse demeure une condition indispensable pour être psychanalyste, la nécessité d’un encadrement et d’un titre apparurent rapidement et fut l’objet de véritables débats.

La psychologie clinique s’est structurée à partir du 19ème siècle sous l’influence de psychologues d’orientation psychanalytique qui souhaitaient mieux délimiter leur domaine d’intervention. La psychologue psychanalyste Danièle Brun explique ainsi : « La médecine, à quelque époque que ce fût, n’a, il est vrai, jamais rien voulu céder de son hégémonie sur le corps. À la fin du 19ème siècle, il a fallu toute l’énergie et la détermination d’un Freud pour prendre ses distances et pour sortir l’hystérie du champ de la médecine qui se montrait impuissante depuis de longues années pour ne pas dire des siècles à la guérir. La psychanalyse a donc trouvé ses assises sur une reconnaissance de la distinction entre lésionnel et fonctionnel au nom de laquelle l’hystérie perdit son statut de maladie organique. Rien de tel apparemment en pédiatrie où les maladies graves ont longtemps mené les enfants à la mort jusqu’au moment où les progrès thérapeutiques aidant, l’obtention de leurs survies prolongées puis définitives s’est accompagnée d’une prise de conscience de l’influence des parents sur le devenir de la maladie guérie et, plus généralement, des effets de la maladie sur leur destin. » Revue en ligne CAIRN

Aujourd’hui, la psychologie clinique est un enseignement distinct de la médecine. Il n’y a ABSOLUMENT AUCUN enseignement de psychologie ou de psychanalyse dans le cursus de médecine, ni même dans celui de psychiatrie. On se contente d’énoncer quelques concepts de base. De fait, il n’existe quasiment plus de psychologues dans les services hospitaliers, en particulier en psychiatrie. De nombreux médecins sont pourtant de farouches défenseurs de la psychanalyse et ne ménagent pas leurs critiques envers les errements de la médecine et le manque de formation et à juste titre, mais rien ne semble faire bouger les lignes.

L’orientation psychanalytique est encore enseignée car elle constitue un socle de la compréhension psychologique (comme à L’université PARIS 7 Diderot jusqu’en 2017, aujourd’hui fusionnée avec Paris 5, ou à Lyon 2). Elle incite à une véritable articulation des savoirs, bien au-delà des approches médicales, comportementales ou neuro-cognitives de la personne.

Troisième point : Plus que le Savoir, la Position

L’incapacité des récents gouvernements, jusqu’à récemment, à accorder un remboursement minimum à l’indispensable prise en charge en cabinet privé de psychologie en dit long sur la place qu’on accorde aujourd’hui à cette centrale et indispensable profession. Mais cette confusion entre l’absence de formation universitaire donnant officiellement droit à l’usage du titre de psychanalyste et celui de psychologue diplômé d’État, pose aujourd’hui problème, même si, c’est indéniable, les plus compétents psychanalystes œuvrent chaque jour en cabinet privé. En effet, de nombreux éminents psychanalystes n’auront pas suivi de cursus universitaires, mais un enseignement auprès de leurs pairs ainsi qu’au fil de leur propre psychanalyse. Mais, aujourd’hui le savoir n’est plus hiérarchisé, la chute de la dimension symbolique de la connaissance et de la transmission ainsi que le flou institutionnel profitent à de nombreux marchands qui singent la psychanalyse sans en comprendre les enjeux. Le diplôme universitaire de psychologue s’impose alors comme une formation qualifiante indispensable à tout psychanalyste.

Il me semble donc nécessaire, aujourd’hui, pour les psychanalystes, comme pour les personnes souhaitant pratiquer la psychologie, d’être Diplômés et d’avoir reçu plus que le savoir, l’expérience de la clinique et de la prise charge dans le cadre du parcours de santé, afin de s’articuler à d’autres praticiens, dans un respect que l’on peut souhaiter réciproque.