Publication : Psychologues et Psychologies

Le travail sur le numérique est une porte d’accès vers l’inconscient et les mécanismes de défense.

C’est ce qui est développé dans cet article publié dans la revue Psychologues et Psychologies édité par le Syndicat National des Psychologues, faisant écho à l’ouvrage publié chez Deboeck Supérieur, Des mondes numériques au passage à l’acte.

L’article est consultable en ligne et sur abonnement.

Relations numériques

Publié aux éditions Deboeck Supérieur 2018  » Des mondes numériques au passage à l’acte «   est un ouvrage à destination des universitaires et des chercheurs mais aussi de toute personne souhaitant comprendre le rôle du numérique dans les mécanismes psychologiques, en particulier chez les enfants et les jeunes adultes.

Les objets numériques sont de formidables outils à communiquer, à jouer, à créer, à rêver. Ils occupent notre espace professionnel, personnel, sentimental, jusqu’à s’immiscer dans l’intimité la plus secrète de nos vies.

Existe-t-il une dépendance et peut-on parler d’addiction ? Comment déceler chez les jeunes enfants ou les adultes, un trop grand investissement de ces objets, jusqu’à provoquer une altération de la perception du réel ? Comment ces outils peuvent-ils déclencher un acte auto ou hétéro-agressif, voire dans certains cas, un crime ?

À travers de nombreuses vignettes cliniques, une approche illustrée et pratique, cet ouvrage parcourt les concepts de la psychologie clinique et fournit de nombreuses explications, pistes étiologiques et solutions permettant de se situer dans le continuum entre normal et pathologique. Au cœur de cet ouvrage se pose la question du rapport aux autres et au monde, la manière dont nous percevons notre environnement et la place que peuvent prendre ces objets numériques dans cet environnement.
De Platon à Freud ou de Nicéphore Niépce à Mark Zuckerberg, un même fil conducteur, celui d’une interrogation sur la représentation du monde. Cette question sur notre perception, nos sens, notre capacité à circonscrire notre environnement en un tout que l’on qualifie de réel, mais qui toujours échappe. Penser un instant que les outils technologiques pourraient permettre de toujours mieux appréhender le réel, de le rendre plus présent, plus palpable ou observable, est une hérésie. Mais en tentant de les substituer à notre expérience du réel, nous ouvrons une porte entre deux mondes que certains franchirons. Dans quelles circonstances ? C’est à cette question que cet ouvrage tente de répondre, appuyé sur une clinique riche et contemporaine.

Cet ouvrage s’oppose donc radicalement au discours alarmiste de certains avis quant aux prétendues addictions et troubles liés à l’usage abusif de ces technologies. Il ne s’agit pas non plus d’un ouvrage de consignes à destination des autorités, fussent-elles parentales. Il ne peut d’ailleurs en être question dès lors qu’on s’intéresse à la richesse de l’articulation de ces usages et surtout au rôle parfois anaclitique de ces objets numériques, qui permettent au sujet, enfant, adolescent, adulte, d’étayer un psychisme en quête de suppléance. Bien au contraire, il s’agit là d’une étude étiologique de ces usages, une analyse de leur indéniable richesse thérapeutique, mais aussi des mécanismes pouvant  conduire à une perte de repères, voire au passage à l’acte. De fait, le rapport individuel au numérique révèle les efforts et les carences, les tentatives courageuses plus ou moins réussies de maintien d’une homéostasie, un équilibre psychique là où règne parfois le chaos.

En tout état de cause, ces outils numériques constituent une articulation spécifique au réel, touchant non seulement à la confrontation du principe de plaisir au principe de réalité, mais aussi, à la représentation du corps, au rapport au monde et à sa scène, ainsi qu’à la structure même du sujet.
L’usage de ce que les industriels nomment réalité virtuelle, réalité augmentée, réalité immersive, interface homme-machine… constitue un corpus particulièrement riche pouvant éclairer la clinique.
Il s’agit donc d’en comprendre les arcanes phénoménologiques, sémiologiques et sémantiques et d’en extraire les éléments d’une psychopathologie adaptée.

« L’orientation » du psy ?

La psychologie clinique telle qu’elle fut édictée par Lagache ou Favez-Boutonier s’enrichit aujourd’hui de nombreuses techniques, parfois assez novatrices, au point que la personne en demande d’aide finit par s’y perdre. L’orientation d’un psychologue est primordiale afin de comprendre la manière dont la personne en souffrance sera prise en charge, puis traitée.

L’orientation d’un psychologue permet de connaître le domaine dans lequel il est  particulièrement compétent mais aussi la position qu’il va occuper dans le cadre thérapeutique, et cette orientation se doit d’être clairement perçue par le patient. Certaines approches sont tout bonnement incompatibles tant elles engagent le psychologue sur des routes opposées.

Si la psychanalyse demeure la voie la plus efficace dans la recherche et l’écoute étiologique des souffrances, il est tout à fait possible d’en passer par les outils de psychologie clinique, ou les détours du soutien et de l’étayage, voire  de la guidance ou dans certains cas, des tests psychotechniques, surtout au début d’une prise en charge. En revanche, il  semble  inconcevable pour un psychologue digne de ce titre, de se passer de l’apport de la psychologie d’orientation psychanalytique sous le prétexte qu’elle n’est pas « à la mode ». Il n’est pas toujours simple de résister au discours simpliste qui occupe certains réseaux et de ne pas surfer sur ces discours pour vendre du service tous azimuts…

De même, afin de faire feu de tout bois, on peut prétendre cumuler toutes les approches, les TCC, la psychanalyse, la Psychologie « positive », l’EMDR, la PNL. Il est par exemple difficilement concevable de cumuler le titre de psychanalyste avec celui de spécialiste des Techniques Comportementales ou de pratiquer l’EMDR…, tant ces courants s’opposent. Freud lui-même face à Charcot puis à Breuer, avait parfaitement identifié les mécanismes qui régissent les effets de l’hypnose par exemple, ou ceux  de la conscience altérée et avait décrit les bénéfices et les limites de ces techniques. Les résultats de l’hypnose sont connus depuis plus d’un siècle et font partie du cursus de psychologie… La méconnaissance de la psychopathologie favorise l’amalgame entre toutes ces approches qui pour la plupart, se diffusent d’autant plus facilement qu’elle se réduisent à peu de chose et peuvent être comprises du grand public justement par leur approche simpliste du soin psychique, avec toujours, en toile de fond, la volonté de guérir par magie, sans effort, et sans même s’en rendre compte.

Sans porter de jugement sur l’efficacité des ces approches, les techniques cognitivo- comportementales (TCC) ou l’EMDR, sont à l’opposé de la psychanalyse. Il est important de rappeler que les bonnes approches sont celles qui permettent au patient d’atténuer sa douleur ou sa problématique sans altérer l’intégrité de sa personne.

Pour autant, deux typologies de praticiens peuvent être distinguées : ceux qui s’intéressent à la disparition du symptôme en faisant fi de son étiologie (au risque de voir ce symptôme se déplacer ailleurs), et ceux qui s’intéressent à l’étiologie du symptôme pour en faire disparaître la manifestation. Autrement dit, le premier pense que la souffrance provient du symptôme (l’angoisse, la dépression, les tocs, la timidité, l’anorexie..) le second que cette manifestation (ce symptôme) est l’expression d’un véritable conflit auquel la personne ne peut avoir accès ou qu’il ne comprend pas, qu’il ne parvient pas à contrôler. Or, si on ne s’intéresse qu’aux symptômes, au prix de quelques effets indésirables, il est tout à fait possible de faire disparaître n’importe quel symptôme, non-seulement à travers les psychotropes mais aussi d’autres substances…

Il s’agit donc là de deux positions diamétralement opposées.

Dans un monde très concurrentiel, certains praticiens n’hésitent pas à proposer une multitude de prestations tel un fast-food, croyant pouvoir se passer de l’espace déontologique qui doit les animer et plus encore, de l’éthique parfois aride (être psychologue est un métier d’engagement) à laquelle ils doivent se tenir.

Le narcissisme, l’incidence actuelle des réseaux qui profitent plus aux séducteurs et aux magiciens qu’aux praticiens, et enfin les sirènes de l’avidité poussent parfois certains psychologues à proposer différentes orientations à la fois afin de séduire un public toujours plus large et souvent désorienté. Il convient de rester vigilant. Le praticien qui séduit, celui qui se montre, et se met en scène, s’écarte de ce qui doit être le centre de son travail : la souffrance du patient. Le praticien se doit de disparaître derrière cette exigence.

L’étiologie est l’histoire de la souffrance, du trouble ou de la maladie. C’est aussi son origine et ce qui la provoque, et c’est surtout la prise en compte de la personne dans sa propre histoire et sa réalité.

Notre vie numérique

Les jeux vidéo comme notre usage des outils numériques constituent avant toute chose une mine d’informations primordiales dans l’accès au psychisme des enfants comme des adultes. Facebook, Twiter, Youtube, les jeux vidéo… il est parfois difficile de couper le lien avec ces objets technologiques sans provoquer de véritables effondrements. La pratique intensive

s’accompagne parfois de troubles physiques, d’un repli et dans certains cas, d’une désocialisation et d’une déscolarisation, mais cette activité est aujourd’hui un outil d’accès aux conflits qui sous-tendent cette pratique.

Pour ma part, j’utilise parfois les jeux vidéo dans mon cabinet selon un dispositif adapté, cadré et psychothérapique.

Il existe une multitude de réponses quant à la nature de l’incidence de ces objets numériques sur notre état psychique. Bénéfiques ou catastrophiques sur l’évolution de nos sociétés, il convient avant tout de s’intéresser à la personne utilisatrice et à sa spécificité afin de ne pas sombrer rapidement dans des spéculations d’ordre moral. Le travail du thérapeute est de comprendre la place de ces outils et de savoir comment ils s’articulent avec la structure de la personne et ses moyens de défense. On cherche trop souvent à bannir ou diminuer l’usage de ces outils mais cette solution ne peut être appliquée sans comprendre la fonction du virtuel dans l’équilibre de la personne. L’usage des jeux vidéo est un indice éclairant. Il convient donc d’en connaitre les principes avant d’envisager une incidence sur le temps passé devant les écrans.

jeux vidéo

Plus généralement, récréatif ou autre, le jeu a toujours une fonction mais concernant les jeux vidéo et plus encore, la pratique compulsive de l’internet, ils ne peuvent être pris en charge sans une connaissance et une maîtrise d’une clinique spécifique.