Violence sexualité infantile

Actes et propos choquants à caractère sexuel chez de très jeunes enfants

Le rapport à la sexualité de l’enfant demeure assez mystérieux pour la plupart des parents qui y sont parfois confrontés à travers des actes ou des propos dont la violence questionne ou choque l’entourage, en particulier dans le milieu scolaire.

Ces violences verbales ou physiques affectent le comportement d’enfants toujours plus jeunes et font parfois bouger les lignes de la dimension sociale, voire pénale de l’acte sexuel tant ils redéfinissent, encore et toujours, la condition d’Enfant. En tant que psychologue clinicien, je suis de plus en plus sollicité pour la prise en charge d’enfants, mais aussi de parents inquiets, souvent adressés par des psychologues scolaires ou des professeurs.

Si Freud en son temps choqua par son analyse de la sexualité infantile et par extension de la sexualité tout court, ses principes demeurent toujours mal compris du fait de la confusion induite par la vulgarisation et les mésusages du vocabulaire psychanalytique.

La sexualité “élargie” telle que la nommait Freud n’est pas une sexualité génitale, elle n’évoque pas l’organe sexuel. Elle découle d’une pulsion de vie, ou plus exactement d’une pulsion physiologique visant à se maintenir en vie. Ce mécanisme à la fois inné et acquis, corporel et psychique, dirige l’enfant vers l’alimentation et tous les apports nécessaires à sa survie. Ils se manifestent à travers la succion (du sein maternel), la miction, la défécation…

Mis en mouvement par la pulsion, le plaisir est donc le “plus”, fruit de l’apaisement, du contentement et de la satisfaction de ses besoins vitaux. L’absence de ces satisfactions provoque une agonie physique et psychique. A l’inverse, le souvenir de ce “plaisir ajouté” perdure à travers la sollicitation des organes concernés (bouche, fesses, …) ainsi que les sens (odorat, vue, toucher…).

Cette sexualité infantile perdure ainsi dans la sexualité adulte. Ce qui caractérise la sexualité de l’enfant c’est avant tout une diversité dans les sources de plaisir, une auto érotisation et une absence de focalisation génitale, si ce n’est dans le cadre d’une recherche de plaisir différent ou plus efficace.

Même si le plaisir peut être issu de l’organe sexuel, à travers la miction ou la masturbation, il ne s’agit pas encore d’une sexualité au sens adulte du terme. La découverte de la sexualité génitale à travers la masturbation procure une forme d’apaisement organique lié à la sécrétion hormonale (dopamine, endorphines, sérotonine, ocytocine…) qui vient une fois de plus remplir une fonction d’apaisement.

Pour le psychologue clinicien, la dimension sexuelle des comportements doit aussi être entendue comme une décharge procurant un apaisement plus que du plaisir. La fonction d’apaisement de l’orgasme perdure chez l’adulte et peut d’ailleurs prendre des formes pathologiques lorsqu’elle n’occupe que ce rôle et vient se substituer à toute autre forme de relation.

Il est donc important de considérer les excès sexuels de l’enfant comme des solutions répondant à des angoisses non-élaborées, non-verbalisées.

Le questionnement sur les organes sexuels différenciés entre petites filles et petits garçons arrive très tôt chez l’enfant et donne lieu à des constructions fantasmatiques parfois horrifiques.

Contrairement à une idée reçue héritée de la libération sexuelle, la sexualité infantile n’est pas seulement une leçon de choses ou une explication fonctionnelle. La masturbation reste un tabou dans nos sociétés, en particulier la masturbation des jeunes filles qui est souvent niée ou occultée par les parents, heurtant un interdit culturel ou religieux lié au plaisir.

Or, pour le psychologue la masturbation est un mécanisme naturel occasionnel et passager. Excessif, il révèle une angoisse qui trouve là un moyen d’apaisement à défaut d’un autre. Le psychologue est alors à l’écoute de ce conflit et guide l’enfant vers d’autres formes d’apaisement, d’un conflit qu’il tente de dénouer à travers l’alliance thérapeutique et la médiation.

La violence des représentations sexuelles adultes (pornographie, images sur-érotisées, vocabulaire ou insultes à caractère sexuel évoquant des actes sexuels…) agit comme une effraction sur la sexualité infantile qui souvent marque le psychisme au même titre qu’un trauma. L’imaginaire (au sens “des images”) s’impose alors en boucle comme une limite aux fantasmes (à la construction fantasmatique personnelle de l’enfant, ou du sujet), comme il vient parfois s’imposer dans les troubles sexuels liés à la pornographie, les symptômes évoquant ceux du post-traumatisme. De même, l’enfant tente d’interpréter les images ou les propos des adultes en construisant des modèles parfois empreints d’une grande violence, puisés dans un monde de représentations archaïques, cette interprétation pouvant se révéler à travers divers symptômes, dont la phobie par exemple.

Ainsi, assistant à une scène primitive parentale, l’enfant cherche à en comprendre la signification et la portée sexuelles sans y parvenir.

L’enfant ne perçoit pas la dimension sociale et interpersonnelle de l’acte sexuel, mais plutôt un encodage de ses propres pulsions qui ne trouvent pas d’autre médiation, d’autres moyens d’élaboration. Il dirige alors cette demande d’apaisement vers le sexe opposé dans ce but, tout en faisant référence à un vocabulaire souvent cru, dont il ignore toute valeur sociale, morale ou culturelle.

Les conflits psychiques ne sont pas l’apanage des adultes. La culpabilité, la mort, l’anéantissement, la peur, l’abandon… sont très tôt présents dans la vie du jeune enfant et du nourrisson (Mélanie Klein). Ils se construisent à partir d’un vécu physiologique mais aussi d’une vie psychique constituée des éléments psychologiques parentaux inconscients, environnementaux, parfois aussi à travers des situations familiales douloureuses, conflictuelles, voire toxiques… niées par les parents eux-mêmes.

A travers sa sexualité, le jeune enfant exprime le rapport au corps et à l’interdit issu de son éducation, de son parcours identitaire et culturel.

naissance enfant

De plus, l’expression sexuelle publique chez de jeunes enfants, trouve dans cette crudité, un moyen disruptif de choquer le parent, de le solliciter et de le convoquer. Le passage à l’acte n’est une fois de plus qu’un moyen de manifester au monde le conflit et de réclamer une prise en charge, une écoute et un moyen d’apaisement qui peut aller jusqu’au besoin de châtiment ou de punition venant alors apaiser la culpabilité ou le conflit.

Le psychologue répond à cette demande en offrant un espace confidentiel d’élaboration en dehors du contexte environnemental.

Il peut arriver que ces expressions choquantes de la sexualité adulte reprises par l’enfant révèlent sa manière d’affirmer une place en tant que garçon ou fille, en rival du parent de l’autre sexe dans le cadre d’un œdipe. La figure paternelle est alors un référent dans l’image de la masculinité véhiculée par le père, consciemment ou inconsciemment. On peut alors prendre en compte l’incidence culturelle ou religieuse de la place de la femme dans la famille / société, la manière d’affirmer l’identité masculine à travers la violence, la force physique… De même pour les petites filles, trop rapidement confrontées aux objets phalliques de la sexualité féminine : sur-érotisation du corps, apparats et signifiants de la sexualité adulte, lèvres rouges, ongles peints, chaussures à talons, vêtements très près du corps ou singeant, sans en comprendre le sens, la danse et la gestuelle de la sexualité adulte. Dans tous ces cas, l’enfant doit assumer une position de sur érotisation des relations comme gage d’amour, position qui s’intensifie ensuite à l’adolescence puis parfois toute la vie… L’enjeu thérapeutique est donc de ré-accorder à l’enfant une courbe développementale psychosexuelle cohérente et respectueuse de son propre rythme. Ce travail ne doit pas être mené dans l’opposition au modèle éducatif parental mais dans le respect et la connaissance d’un modèle culturel, religieux ou politique, dont ils ont eux-mêmes hérité, parfois comme une normalité évidente qui s’impose.

L’espace psychothérapique est donc un lieu d’exception confidentiel et séparé, dans lequel l’enfant peut déplier et revisiter, reprendre sa place parfois en s’accordant un répit à travers une véritable régression, mais il peut aussi être celui des parents, dans une tentative personnelle de décryptage d’une situation éducative conflictuelle. La sexualité infantile peut alors s’intégrer comme un élément du développement évolutif et suivre un certain nombre de stades conduisant à l’explosion adolescente, à la génitalité et à la construction identitaire adulte.

Chaque situation est différente mais le recours au psychologue à travers la guidance parentale ou la prise en charge thérapeutique individuelle est le signe d’une recherche courageuse de solutions.

Douance, HP, Haut Potentiel, et puis ?

Les demandes de prises en charge d’enfants ou d’adultes réservent parfois de véritables surprises, surtout dans des situations d’échecs scolaires ou dans le cadre de « Bilans de compétences ». L’échec, le sentiment d’être dans une impasse, en décalage, sont parfois les manifestations particulières de capacités supérieures ou de compétences non-diagnostiquées. Mais ces capacités sont-elles pour autant la garantie d’un épanouissement personnel ? La réussite à des tests ou une apparente aisance cognitive voire sociale, sont-elles les gages d’un équilibre psychologique ?  Peut-on être surdoué, en souffrance et en échec ?

Le paradoxe des personnes en « douance », « surdouance », ou à haut potentiel, est qu’ils passent souvent à travers les mailles du filet d’une société et d’un système qui est non seulement normatif, mais qui de plus, accorde de moins en moins de place aux intelligences spécifiques. Il existe de nombreuses manières d’aborder l’intelligence et sa définition varie avec le temps et les modes d’évaluation. Le QI n’est qu’une façon d’aborder les capacités intellectuelles. Comme les tests récents régulièrement mis à jour, il s’agit d’une évaluation statistique et souvent morcelée des mécanismes de la pensée. Le cerveau est multiple, il existe de nombreuses formes d’intelligence et contrairement à une idée reçue, une apparente facilité cognitive, ou une mémoire prodigieuse, peuvent révéler un véritable handicap (comme chez certains autistes) et inversement, une apparente inadaptation, sociale ou scolaire, peut cacher des talents extraordinaires.

Si le QI et les tests psychométriques permettent à de nombreux psychologues d’évaluer cette forme de développement sur une échelle dont les fondements sont statistiques ou mathématiques, ils ne permettent en rien de comprendre la condition que traverse une personne HP.

En effet, la dimension sociale et scolaire de ces situations accorde à ces personnes des capacités supérieures à la moyenne qui renvoient une place hiérarchique élevée, un rang valorisé et une facilité d’accès à une situation socialement respectée. Or, c’est passer à côté de la dimension psychopathologique et surtout de la spécificité de la souffrance éprouvée par les personnes à haut potentiel. Il est indispensable de considérer les tests comme un des éléments constitutifs d’une prise en charge globale de la personne. Si les tests permettent parfois de mettre des mots sur la qualification de la souffrance, ils ne permettent pas d’établir une étiologie de la situation, ni de préconiser une thérapie. De fait, beaucoup de personnes, y compris des psychologues, pensent que la réalisation de tests psychométriques est une aide au diagnostic. C’est en effet le cas, mais ils ne peuvent se substituer au travail thérapeutique qui requiert une approche inverse de compréhension et d’écoute de la personne et une maîtrise de la spécificité  psycho-thérapeutique du profil HP. Sans cette prise en charge spécifique et indissociable, l’annonce de cette douance peut entraver la tentative thérapeutique.

Ainsi, la situation psychologique que traverse une personne à haut potentiel peut-elle au contraire se refermer sur ce simple constat, cette identité, en obstruant totalement toute dimension globale de l’équilibre psychoaffectif. Le sentiment de décalage, d’apesanteur, une impossibilité à vivre le moment sans faire appel à la pensée… Toutes ces situations nécessitent une importante énergie au quotidien de la part des HP dans le but d’entraver l’accès à la souffrance elle-même, surtout durant les premières années de vie. La douance s’accompagne souvent de troubles compulsifs, de « moulinage » des pensées et de troubles obsessionnels compulsifs (TOC)…
Il est commun de ne pouvoir diagnostiquer les enfants HP que très tard dans leur parcours car l’idée d’admettre une souffrance qui échappe, une difficulté, est en soi difficile. Pour ces enfants, le fait d’exprimer des difficultés que leur intelligence ne peut comprendre et gérer, est souvent vécu comme un échec. Le déni est alors la défense la plus commune, surtout à l’adolescence, et le jeune adulte refuse souvent tout recours psychothérapique, prétextant une bonne gestion de cette souffrance. Le diagnostic après des tests peut donc être contre-productif.

En tant que psychologues cliniciens, nous sommes bien sûr formés aux tests, psychométriques ou projectifs, le Rorschach, le TAT, le WISC le CAT… Ces tests, comme le WISC ou le WHAIS pour les adultes (Wechsler Adult Intelligence Scale), en portant une réponse à la question de la « différence », apaisent souvent dans le sens d’une reconnaissance de la spécificité de la souffrance du sujet, mais font eux-mêmes l’objet d’une « intégration » intellectuelle et cognitive de ces personnes qui justement, sont en mesure d’en comprendre la logique. Nous restons donc dans une situation balisée, contrôlée et pré-organisée ne favorisant pas l’alliance thérapeutique de soins nécessaire  à l’apaisement de la souffrance sur le long terme.

Il est commun de recevoir en cabinet des enfants ou de jeunes adultes dans un complet déni, refusant toute prise en charge malgré les indications médicales, familiales ou scolaires. Si à travers mon écoute de psychothérapeute, le diagnostic de cette souffrance peut être parfaitement établi, ils ne peuvent accéder à leur état et restent parfois focalisés sur ces tests surtout lorsqu’ils auront été (sur)valorisés par un représentant symbolique (enseignant, médecin traitant, psychiatre…). C’est une situation qui réclame une véritable compétence théorique et étiologique que de pouvoir débloquer la situation. Même si ces tests gardent leur intérêt, il existe des méthodes moins radicales de poser ce diagnostic de douance tout en maintenant, établissant et construisant un lien thérapeutique fort avec la personne.

Ainsi, cela peut paraître étonnant mais la réalisation de tests peut favoriser le repli et le refus d’une prise en charge par désinvestissement de toute possibilité thérapeutique. Il n’est pas rare d’observer des dépressions chroniques chez les personnes HP, ainsi qu’une dévalorisation personnelle voire un repli social et affectif, même si cette personne semble entourée. Les relations sont souvent unilatérales et on vient souvent questionner la personne HP dans une demande et une recherche « d’irradiation » de son haut potentiel. Le HP sait, connait, comprend et maîtrise le monde selon un même référentiel, c’est là la position harassante à laquelle il doit s’astreindre et qui s’impose à lui. On constate donc une impossibilité à se lier et à construire de profondes amitiés équilibrées, à la fois de soutien et de demande affective, avec l’entourage, même avec la famille proche. C’est un signal fort de cette souffrance qui provoque un isolement en un monde affectif intérieur et un rapport intellectualisé aux autres.

Enfin,  à l’issue de la réalisation des tests psychotechniques, si l’annonce d’un contexte de haut potentiel peut soulager, le diagnostic de son absence peut aussi avoir de lourdes conséquences chez le sujet ou les parents, qui parfois, se pensent dans une impasse.

En conclusion, si le diagnostic psychométrique peut être une étape, il faut impérativement comprendre le contexte psychopathologique de la personne HP afin de systématiquement proposer une prise en charge adaptée et mettre en place des outils thérapeutiques basés sur le diagnostic clinique, l’anamnèse, le discours, la structure, et surtout, la fonction de cette douance dans l’équilibre de la personne. En tout état de cause, s’autoriser à recevoir des soins, pour une personne HP, est dans un premier temps, vécu comme un aveu d’impuissance.

Le risque d’une mauvaise prise en charge psychologique est le recours à d’autres approches, d’autres méthodes d’apaisement, pharmaceutiques ou autres.

Cabinet de consultation

Dr.  A l e x i s  R i m b a u d
Psychologue Clinicien Diplômé de l’Université Paris Cité
Docteur en psychologie
Psychothérapeute
Psychanalyste
Professionnel de santé D.E. inscrit ADELI auprès de l’Agence Régionale de Santé

L’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 modifiée relative à la politique de santé publique réglemente l’usage du titre de psychothérapeute et impose l’inscription des professionnels au registre national des psychothérapeutes.

6 rue du Dr GOUJON – 75012 PARIS
Sur rendez-vous uniquement au 01 86 95 35 73
du Lundi au Vendredi 08:30 – 20:30
Samedi – Dimanche 09:00 – 14:00

   

Ouvrages :  (vient de paraitre) DUNODDeboeck SupérieurDALLOZ

Alexis Rimbaud est membre de l’association PSYTECH, Association pour la formation et la diffusion de la psychologie dans le domaine des nouvelles technologies de l’éducation, du droit et du champ social. Membre du SNP, Syndicat National des Psychologues.

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